Mieux comprendre la fabrique de la ville inclusive

Mieux comprendre la fabrique de la ville inclusive

La crise sanitaire mondiale exige des urbanistes et des planificateurs de repenser les espaces publics urbains pour en garantir l’accès à toutes et tous, dans les limites de la distanciation sociale. Cet exercice inédit est aussi l’occasion pour nous questionner plus fondamentalement sur la fabrique d’une ville plus inclusive. C’est à cette fin que nous lançons en juin 2020 une grande étude empirique. L’Office de l’Urbanisme – via son service des interfaces CEVA espace publics – et l’équipe de Mobil’homme ont mis sur pied une grande étude empirique visant à étudier les conditions de la fabrication de la ville inclusive, par l’étude de cas de trois espaces publics à Lancy – Pont-Rouge, Lancy – Bachet et Chêne-Bourg. Au travail théorique se déroulant de juin à août 2020, succède la phase de terrain, tout au long du mois de septembre. Le dispositif prévu est pluri-annuel :  l’exercice 2020 réalisé en période de crise sanitaire sera suivi par deux années complémentaires d’investigation. 

Genève Champel
Halte de Genève Champel, printemps 2020. Photo : Mobil'homme

Contexte

Créer une ville accueillante, pour toutes et tous, est aujourd’hui l’ambition affichée de nombre de politiques publiques. En parallèle de la révision de son plan directeur cantonal en 2013, le Canton de Genève rappelait ainsi l’importance d’une planification de qualité pour permettre à chacun de vivre en ville en proclamant « La ville, c’est l’art de partager un territoire exigu, de respecter la liberté d’autrui autant que la sienne […] la ville cultive ce qu’il a de meilleur en chacun »[1]. Or, s’il est un endroit dans la ville où il est crucial de garantir la capacité de chacun à vivre et à se partager l’usage, c’est bien dans l’espace public. Cet espace par essence inclusif (Lévy 2015)[2], prioritairement aux mains de la collectivité, concentre en effet la tension entre l’intime et l’extime (Barbisch et Pattaroni 2014)[3]. La qualité de la création de l’espace public conditionnerait en quelque sorte la capacité à s’approprier la ville.

Malgré l’actualité du thème de l’inclusivité de l’urbanisme, nous manquons d’études empiriques de grande ampleur sur ce sujet. Celles-ci sont nécessaires à plus d’un titre ; d’abord parce qu’elles sont à même de révéler les points spécifiques sur lesquels doit porter l’attention de la collectivité publique mais aussi parce qu’elles permettent d’orienter l’accompagnement des usages. Enfin, une étude des pratiques effectives réalisées dans un espace public pensé et mis en œuvre par la collectivité lui permet de tirer des enseignements a posteriori et de faire évoluer sa propre pratique en capitalisant sur les usages humains effectifs. L’émergence de la crise sanitaire mondiale nécessite d’investiguer ces occupations de l’espace aussi sur un temps long, en distinguant ce qu’il en est des pratiques en période de crise aigue, puis de « nouvelle normalité » et enfin d’en rechercher les traces dans des usages, même après que celle-ci se soit terminée. La présente étude repose sur cette ambition.

Terrains

Les interfaces CEVA, c’est-à-dire les espaces publics pensés et dessinés sur les esplanades aux alentours directs des nouvelles gares du Léman Express, se prêtent particulièrement bien à une étude de ce genre. En effet, d’une part, une attention soutenue a été portée à la qualité de ces espaces publics tout au long du processus de planification, avec même la création d’un service ad hoc au sein de l’administration. D’autre part, ces interfaces sont des espaces nouveaux dans des territoires déjà denséments bâtis. Ils vont donc à la fois redessiner les pratiques préexistantes et en créer de nouvelles. Enfin, leur livraison récente permet d’en faire les laboratoires en temps réel d’une appropriation humaine. 

Plus d’informations viendront pendant le terrain et permettront de suivre le déroulement de la recherche en temps réel.

 

[1] État de Genève (2013). Genève envie, page 7.

[2] Lévy, Jacques (2015). « Habiter Cheonggyecheon : l’exception ordinaire. » Annales de géographie 704 (4) : 391-405.

[3] Barbisch, Caroline et Luca Pattaroni (2014). « Intime/extime : le désir au cœur de l’espace public. » Tracés 23-24 : 10-15

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